« Qui sous-estime ses origines, peut perdre son prénom mais pas son nom »
  LES CONTRIBUTIONS
 
Découverte : Djilor Djidjack, lieu natal de Senghor, entre terre et eau
Publiée le : 16/11/2015 - Auteur : Samboudian KAMARA, Mamadou GUEYE (textes) et Pape SEYDI- Lesoleil

« Nuit de Sine ». La pleine lune a frappé un écran blanc sur le plan d’eau du bolong qui serpente depuis nulle part et partout dans cette partie du département de Fatick. Son reflet, dit-on, attire les poissons. Le ressac et la marée sont les seuls bruits qui s’échappent avec beaucoup de pudeur de cette confluence des eaux de deux bras de mer, conjonction du Sine et du Saloum.

Pas de clapotis car les vagues sont au loin. Silence donc. Les crevettiers, à pied, non loin du rivage, eux-mêmes taiseux dans leur tâche, dans un semblant de paresseux mouvement retirent peu à peu les nasses et filets qu’ils avaient posés aux premières lueurs de l’aube pour piéger poissons, crabes et autres joyaux de ces eaux. Des fois, les borborygmes désabusés des pêcheurs renseignent sur la mauvaise qualité des prises. Qu’importe, à Djilor Djidjack, arrondissement de Fimela, là où est né le président Senghor, il y aura toujours cette confusion entre les modernismes hôteliers, le cœur de la culture sérère et le sentiment que l’on foule des terres et vogue sur des eaux chargées d’histoire.

Djilor Djidjack est, en effet, à la fois sur la terre et sur l’eau. Il arrive en début d’après-midi et en fin de soirée que les caprices de la marée font lécher les premières concessions du village par la mer ou ce qu’elle a pu conquérir. Les hommes retrouveront leurs terres quelques heures plus tard, selon un rythme immuable, jamais en retard, mais les protagonistes respectant toujours une sorte d’entendement mutuel.

Cela n’étonne point. Le royaume d’enfance de Senghor a deux portes d’entrée. L’une par la côte qui vient de Mbour ; l’autre, au cœur des terres, par Ndiosmone.

D’abord, après Mbour, la capitale de la Petite-Côte, et Ngasobil, il est loisible au voyageur de faire le « Golgotha » -chemin de Jésus vers la Croix-, Joal -Samba Dia, une route surnommée ainsi par un touriste tant est elle difficile. Là, on est à la frontière des départements de Mbour et de Fatick. En devinant au loin Palmarin -les-superbes- (Facao, Ngallou, Sam Sam ou Diakhanor)-, l’on sent que les grosses vagues de l’Atlantique ne sont pas loin. On est au cœur de dédales qui vont vers des villages historiques…

Il faut remonter un peu plus au nord. Après, un embranchement vers le chef-lieu d’arrondissement, Fimela, dans un décor boisé où rôniers et palmiers déploient leurs larges feuilles comme pour accueillir les visiteurs, on a alors la possibilité de rejoindre facilement, après 4 Km de piste, le village supposé être celui natal du président-poète. En tout cas, les anciens rapportent que c’est par « snobisme » que les natifs de cette contrée se faisaient déclarer « nés à Joal », à l’époque, le centre « urbain » le plus important, là où se trouvaient les centres commerciaux, les colons, les pères blancs, la capitale des barons (Cf – poème « Joal », le village où Diogoye Basile Senghor (négociant prospère, père du futur président) et le Bour Sine se rencontraient entre amis, « Joal, je me rappelle les fastes du couchant où Coumba Ndoffène voulait faire tailler son manteau royal ».

Le pays est beau. Les bergers ont le sourire généreux car dans les rares endroits où la langue salée a laissé place, l’herbe est florissante et les grosses gouttes d’eau qui font se ployer les feuilles et branches des végétaux sont toujours là. Les vaches sont grasses…

 DES MELOPEES AGREABLES

Il y a un autre chemin plus « facile » pour atteindre Djilor Djidjack. Après Mbour, en allant vers Fatick, il y a le fameux croisement de Ndiosmone.

A droite, après quelques kilomètres, les bruits des gros camions qui trustent la Nationale 1 se font de moins en moins entendre. Par contre, on sent que « le pays natal » n’est plus très loin car des panneaux « touristiques » annoncent « le royaume d’enfance ». Les noms sont évocateurs : Loul Sessène, Djilass (ancienne capitale du Sine), Mbissel.

Mbissel la fameuse ? Ce village où l’on arrive à la tombée de la nuit ne paie pas de mine, mais elle est chargée d’histoire. Dans la localité, un site a été classé par les Monuments historiques[1]. Il s'agit de la tombe de Meïssa Waly Dione (ou plutôt Mané), fondateur du royaume du Sine, celui que Léopold Sédar Senghor désigne comme l'« éléphant de Mbissel » dans un poème célèbre : « Éléphant de Mbissel, par tes oreilles absentes aux yeux, Entendent mes Ancêtres ma prière pieuse ». En plein dans le sujet. Viennent Diofior, le village où à longtemps vécu Cheikhna Cheikh Bounana, khalife général des Khadres, et, après quelques hameaux, Fimela, se découvre après Simal la mystique… Sous-préfecture, brigade de gendarmerie, lycée ; il faut faire de la « cavalerie automobile » quelques kilomètres après la sous-préfecture pour que Djiolor Djidjack se découvre.

Des entrepreneurs ont construit un hôtel auprès d’un point d’eau où des lamantins aiment se prélasser. Il n’y a plus de goudron et les lodges s’annoncent. Les hôtels ont commencé à foisonner. Relâche et immersion dans cet authentique village sérère.    

D’agréables mélopées avertissent que ce soir sera spécial. Les notes des guitares sèches montent du lointain et les chœurs se rassemblent peu à peu pour former, alors que la nuit avance, un fonds musical qui émeut les âmes sensibles. C’est un soir de fête. Pour un village où le silence est la chose la mieux partagée en temps « normal », le bruit monte, monte, monte en crescendo au point que son origine commence à être le point de ralliement de toute la populace du village. Il y a soirée culturelle. Quand les Sérères évoquent ce terme, ne vous y trompez pas ; ce seront tams-tams, tambours d’aisselle, saxos, répertoire du patrimoine artistique local. Et c’est normal, nous sommes le 15 août, jour de l’Assomption.

C’est sans doute le village qui a le plus de notoriété dans la contrée, en raison du destin exceptionnel de son fils prodigue. A cet endroit, près de leur embouchure commune, les fleuves Sine et Saloum se rejoignent dans un delta constitué de centaines d'îles. Les canaux qui serpentent entre les îles, les "bolongs" en langue sérère.

Les bolongs sont au cœur des poésies du président Senghor, né au village de Djilor Djidiack pendant la saison des pluies et déclaré à Joal quelques semaines plus tard, pratique courante à l'époque. Le tourisme s’y développe à une grande vitesse. Jaloux de son passé, il semble que ce village n’aime pas trop être dérangé….

TOUBACOUTA : Les motos « Jakarta », nouveaux chevaux des brousses
Le vrombissement particulier de ces motocyclettes entretient l’atmosphère sonore dans le Saloum, jusque tard dans la nuit. C’est loin des mélopées du « Ngoyane », et surtout en version mécanique. Il y a bien une très forte marque que ces motos donnent à cette région. Toubacouta, au cœur du Niombato, n’a pas le cœur à la fête car les touristes se font rares.
Des fois, au cœur de la nuit, alors qu’hommes et animaux sont dans les bras de Morphée, seuls eux donnent encore des preuves de vie. Parfois les noctambules, comme des lièvres saisis par les puissants feux d’un véhicule de chasseurs, ne peuvent que rester interdits devant des phares qui sortent brusquement d’une ruelle de ces villages et vous figent dans une position d’attentisme. Jusqu’au moment où le crachotement du moteur et le sens des feux de signalisation indiquent ses directions et approches, le promeneur nocturne ne peut que se résoudre à demeurer immobile, à signaler sa position, comme il est de coutume. C’est souvent pour s’entendre dire qu’ils « déposent » juste un client et qu’ils vous retrouveront « dans quelques secondes ». Dans ces petites villes, l’étranger est très vite identifié ; effectivement, au bout de quelques minutes, les tressautements d’un engin à travers pistes renseignent que « le nouveau cheval des brousses sénégalaises » n’est plus loin.
A  Foundiougne par exemple, dès la descente du bac, quelques vaillants et entreprenants transporteurs allument leurs moteurs pour aguicher d’éventuels clients afin de les emmener à l’intérieur de la ville ou vers les villages alentours. Idem dans un bled comme l’embranchement de Diossong. Comme une nuée d’abeilles, elles parcourent les ruelles et les sentiers avec un son qui finit de donner une identité à la localité. Dès 20 heures, le village se calfeutre, alors vient le temps des « Jakarta ». Elles sont maintenant partout présentes. Si les taxis « jaunes et noirs » sont rois dans les grandes villes, ici, ce sont elles qui assurent le transport. Certes, aucune partie du pays n’est « épargnée », mais les motos « Jakarta » sont légion dans toutes les régions du Sénégal. Seul Dakar constate sur ses routes ces motocyclettes d’un genre particulier pour servir à des usages commerciaux. Face aux défaillances de certains systèmes de transport, ce sont maintenant ces engins venus de la lointaine Indonésie qui servent au transport de marchandises légers. De moins en moins, on voit dans les rues de la capitale sénégalaise des engins à traction animale ou humaine. Accommodées à une petite benne, ces motos gagnent, petit à petit, du terrain dans les rues encombrées de la capitale.
Dans le Sine-Saloum – et même plus loin –, il en est autrement. Ces engins sonnent le retour les calèches hippomobiles dans les haras. Ces « Jakartas » font beaucoup de bruits, mais règlent beaucoup de problèmes. C’est leur commodité d’usage, leur faible consommation de carburant et leur mobilité qui font d’elles les nouvelles stars des villes de l’intérieur. Le phénomène commence à se constater dès les premières grandes agglomérations au sortir de la région de Dakar. Mbour, Fatick, Kaolack, Guinguinéo, Nioro sont désormais des capitales départementales où elles sont incontournables. Quel est leur impact social et économique ? Il existe certainement : transport local modernisé, évacuations sanitaires, etc.
Toubacouta n’échappe pas à la « colonisation » des motos « Jakarta ». A tous les coins de rue, ils sont visibles. Le marché du village fait office de « gare ». Ils stationnent en petits groupes, en fonction des affinités. Les conducteurs sont des jeunes. Les adolescents sont plus nombreux, la plupart des collégiens et des lycéens. Ils conduisent ces motos pour se faire un peu d’argent. « Durant les vacances, je conduis pour économiser un peu d’argent. A la rentrée, j’ai de quoi acheter des fournitures et des habits », déclare Famara Sarr, élève en classe de seconde, originaire du village de Bettenty. Mais la particularité de Toubacouta, c’est que les conducteurs de « Jakarta » sont originaires des villages environnants. « Les jeunes de Toubacouta préfèrent être des guides touristiques que des conducteurs de moto », confie Ibrahima Ndong. « Ils disent que ce métier rapporte plus », ajoute-t-il.  
Autre particularité de cette zone, il est fréquent de voir une femme sur une moto « Jakarka » rouler à vive allure. « Des femmes qui conduisent ces engins sont légion ici », dit Famara Sarr. L’image est banale.  
Ces monocylindres peuvent atteindre une vitesse de 120 kilomètres par heure. Malgré leur jeune âge et le risque d’accident, les conducteurs n’hésitent pas à mettre le pied sur l’accélérateur, au risque de donner le vertige à leur passager. Le port de casque, ces conducteurs ne le connaissent pas. Cela fait que les accidents sont souvent mortels. Chaque année, le bilan macabre est lourd. Pourtant l’envie de conduire est là, toujours intacte ; et dans certaines localités, le nouveau cheval des brousses sénégalaises est très pratique. Peut-être c’est qui fait son succès.

Reportage de Samboudian KAMARA, Mamadou GUEYE (textes) et Pape SEYDI (photos)

 
 
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